Burn-out (vécu de l’intérieur) : accident … et merveilleuse opportunité
Dans notre société moderne de course à la performance et au profit qui engendre beaucoup de pression et de stress partout, le mot burn-out est aujourd’hui très à mode et « servi à toutes les sauces », la plupart du temps de façon inappropriée. Pléthore d’articles qui, bien souvent écrits par des personnes ne l’ayant jamais vécu, restent dans des généralités factuelles et manquent de profondeur. De plus, les confusions habituelles avec l’épuisement simple, l’épuisement profond, le « pétage de plombs » ou la dépression n’aident en rien à la prise en compte correcte et à l’accompagnement qui convient à ces différentes situations de santé et de souffrance.
Loin de minimiser la réalité de la souffrance au travail et de l’épuisement professionnel trop fréquent, je tiens tout de même à dissocier et à décrire précisément ce qu’est un burn-out dans ses spécificités souvent mal connues, mal comprises et donc mal accompagnées. Les métaphores-images qui décrivent le mieux un burn-out sont empruntées à la terminologie de l’orage, du cosmos ou de l’électricité : éclair, trou noir, fusibles qui sautent, cerveaux qui débranchent, centrale électrique qui s’emballe, implosion… Ce qui caractérise en tout cas de façon certaine un burn-out c’est l’impact brutal et violent sur les fonctions cérébrales.
Avant de parler en détails du burn-out, je tiens à associer à cet article ce qui est appelé le syndrome d’épuisement professionnel des soignants (SEPS), une des formes d’épuisement professionnel profond.
Ce syndrome, qui touche majoritairement les soignants et les personnes très investies dans l’accompagnement humain, se caractérise par 3 symptômes, outre l’épuisement physique :
- L’épuisement émotionnel (démotivation, sensation d’insurmontable, incapacité à accueillir des émotions nouvelles…)
- Une perte de sens et une réduction de l’accomplissement personnel (auto-évaluation négative entre autres)
- Une déshumanisation de la relation à l’autre (dépersonnalisation des patients) pouvant aller jusqu’à la maltraitance (lorsque nos propres besoins essentiels ont été trop longtemps négligés).
5 grands facteurs de risques peuvent être à l’origine du SEPS :
- Les facteurs liés au soignant lui-même (ex. perfectionnisme, deuil, rupture, décalage entre idéal et réalité du métier)
- Les facteurs liés au type de travail (relatifs aux patients et à leur famille)
- Les facteurs liés aux relations interprofessionnelles de l’équipe et notamment les conflits éventuels.
- La charge de travail et son organisation (définition des rôles et tâches, instabilité des plannings, manque de personnel)
- Les facteurs liés au management selon qu’il est directif, informatif, persuasif, participatif ou délégatif.
Mais la première cause de souffrance clairement identifiée est le manque de reconnaissance.
Au vu de ce qui précède, il est assez facile de déduire les points d’amélioration qui permettraient de réduire le nombre de Syndromes d’Epuisement Professionnel des Soignants.
Information à diffuser largement pour contribuer à l’amélioration des conditions de travail des soignants et accompagnants.
(Source principale des informations sur le SEPS : ASP Liaisons, novembre 2012)
Là, mes connaissances sont d’une part issues de l’expérience puisque j’ai fait un burn-out en 2001, suivi de 3 épisodes moins graves depuis, puisque mes « fusibles de sécurité » sautent plus vite depuis le burn-out initial qui a marqué le virage décisif de ma vie. Et par l’expérimentation puisque, pour l’essentiel, je me suis rétablie seule de ces 4 épisodes burn-out (à part l’aide précieuse de l’acupuncture et l’homéopathie pour le premier).
D’autre part, j’ai un large profil de veille sur le burn-out depuis longtemps (pertinence réelle : 5% maximum) et j’ai aussi recueilli quelques témoignages de personnes qui, comme moi, ont vécu un véritable burn-out.
Car un véritable burn-out, impossible d’en sortir indemne : c’est une expérience plus ou moins initiatique qui nous oblige à un retour profond à soi, à reconsidérer notre rapport à soi et à notre corps, à notre vie, ses priorités et le sens que nous lui donnons.
Une opportunité précieuse entre « la vie d’avant » et « la vie d’après », qui nous montre soudain certaines de nos limites mais nous ouvre aussi d’autres perspectives merveilleuses.
Les candidats de choix au burn-out (ceux qui courent le risque maxi) ont souvent une combinaison de tout ou partie de ces diverses caractéristiques :
- hyperactif ou du moins très impliqué
- challenger (aimant les défis, la performance et mettant un point d’honneur à tenir ses engagements)
- perfectionniste (et exigeant envers soi)
- altruiste
- travail cérébral intense de type « cerveau gauche » (pensée rationnelle)
De plus, bien que n’étant pas toujours présents, d’autres facteurs favorisent grandement l’épuisement professionnel profond ou le burn-out, car ils sont de très grosses sources de stress :
- le conflit entre le vécu au travail et ses propres aspirations profondes et valeurs
- le harcèlement moral au travail
- l’insécurité de l’emploi…
La prévention du burn-out est très difficile :
La personne concernée est généralement dans le déni puisque, malgré les alertes répétées et nombreuses de son corps, elle continue à « tirer sur la corde » et à faire la course à la performance. Et au stade où elle ressent l’épuisement profond et consent enfin à en tenir compte, il est souvent bien tard : un week-end de repos, une semaine de repos et même quelquefois 3 semaines de vacances ne suffiront pas à récupérer de cet épuisement profond, qui est non seulement physique mais aussi cérébral et psychique.
Le dépistage médical n’est pas plus opérant : les bilans sanguins et la tension peuvent être OK et ne rien laisser présager du burn-out qui se profile de façon irrémédiable.
Quelques autres signes avant-coureurs :
L’épuisement cérébral et psychique font que le travail intellectuel devient de plus en plus laborieux et pénible, nous avons des difficultés de plus en plus récurrentes de concentration, de mémorisation, … nous nous sentons agressés par les mails, les appels téléphoniques, nous avons du mal à suivre les conversations, nous ressentons une immense lassitude, nous perdons toute envie et n’avons généralement qu’une aspiration profonde : nous soustraire à notre vie habituelle (et en particulier au poids de ses obligations). Car nous nous sentons « au bout du rouleau », arrivant de moins en moins à faire face et à nous adapter.
C’est là où l’amalgame avec la dépression peut aisément se faire alors qu’il suffit généralement de s’autoriser à s’arrêter… et de commencer à se reposer 1, 2 ou 3 semaines pour que ces « tendances dépressives » disparaissent d’elles-mêmes. Pourquoi ne pouvons-nous pas simplement accueillir et entendre les messages véhiculés par notre mélancolie ou notre perte d’envie ? Cela suffit pourtant à les libérer et à nous ramener dans le positif dans un temps relativement court.
Qu’est ce qui se vit lors d’un véritable burn-out ?
Ce qui caractérise de façon sûre un burn-out c’est une combustion de toutes nos ressources internes et l’impact brutal et violent sur les fonctions cérébrales. A un moment, sans prévenir (puisque nous n’avons pas su entendre ses cris d’alerte), notre corps « prend les commandes » et arrête le fonctionnement de notre mental de façon radicale et plus ou moins prolongée :
- certains vivent des « trous noirs » de plusieurs heures ou jours, suivis de perte temporaire mais longue de capacités (lire, conduire…) ; des mois et quelquefois des années seront nécessaires mais leur vie sera vraisemblablement changée à jamais… souvent pour le meilleur.
- pour d’autres, les cerveaux débranchent d’un coup et toute activité intellectuelle devient impossible (même comprendre un texte de 5 lignes). Quelques semaines minimum ou environ 3-6 mois sont nécessaires pour se rétablir.
- pour les cas moins graves, les fonctions cérébrales sont juste ralenties : plus capables de formuler mentalement des phrases, donc de parler ; fatigue intense et tensions insupportables dans la tête devant le moindre texte ou écran… Quelques semaines minimum pour se rétablir.
ou au contraire le mental s’emballe et se met à fonctionner non-stop puissance 10 (comme une centrale électrique), encore pire la nuit que le jour. Ce phénomène est associé à de l’insomnie grave, tant il est à ce stade impossible de détendre le mental et de lâcher-prise dans le sommeil : un enfer ! Dans ce cas, on ne souhaite qu’une chose : que le cerveau débranche, être mis en cure prolongée de sommeil ou pire…
Imaginez ce que cela peut faire d’être soudainement privé de ses capacités cérébrales habituelles sans savoir si nous allons ou non les récupérer !
Perte de capacités accompagnée de perte de nos repères habituels et quelquefois de notre identité sociale ! On se sent plus le même, quelquefois même étranger à soi-même.
Panique ? traumatisme ? possible mais la plupart du temps aussi confiance car reconnaissance d’une sagesse supérieure à l’œuvre en nous.
Et en acceptant la situation tout en l’espérant temporaire, nous accédons à une révélation inattendue : nous continuons à exister même si notre mental s’arrête ou fonctionne au minimum ! Waow !
Qu’il y ait eu ou non effondrement physique, il est facile de comprendre que dans ces situations, nous n’avons plus vraiment d’alternative. La seule issue est de nous arrêter immédiatement, de nous reposer encore et encore, en écoutant enfin notre corps.
Plus nous sommes allés loin dans l’épuisement physique/cérébral/psychique profond, plus l’accident « burn-out » risque d’être radical et violent, et plus nous mettrons de temps à nous en remettre.
Le repos devra durer aussi longtemps que nécessaire pour reconstituer nos ressources physiques, cérébrales et psychiques, mais nous verrons plus loin que ce n’est pas suffisant.
Dans le processus de guérison d’un burn-out, comme dirait La Fontaine, « Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage ». Plus nous nous accordons du temps sans limite, de la disponibilité totale à soi, d’écoute et de respect de nos besoins essentiels, une vraie parenthèse d’insouciance et de lâcher-prise vis à vis de nos obligations habituelles, plus vite et mieux nous nous rétablissons.
L’accompagnement professionnel du burn-out est généralement inexistant ou insuffisant. Le cas de figure malheureusement le plus courant, c’est que l’attitude de l’entourage professionnel ne fait qu’enfoncer un peu plus la personne victime du burn-out, et aggraver sa situation en lui demandant en plus une performance quant à la vitesse de son rétablissement et de son retour à l’opérationnel.
L’accompagnement médical est la plupart du temps inadapté et partiel. Se basant sur quelques symptômes comme la perte de sommeil, la perte d’envie, le besoin de repli sur soi ou un épisode quelque peu dépressif, la solution la plus communément appliquée est l’habituel « trio de médocs psy » (anxiolytiques, anti-dépresseurs et somnifères dont la France détient le triste record mondial de consommation !). Et pourtant, nous sommes bien loin d’avoir les conditions d’existence les plus misérables de la Terre ! So what ?
Car il se trouve que le burn-out nécessite un retour à soi en profondeur et un processus à traverser que rien ni personne ne nous épargnera si nous voulons derrière cela guérir vraiment, renaître à la vie et commencer une vraie nouvelle tranche de vie, renouvelé. En fait, une occasion rare de quitter notre « petit moi social » pour naître à notre « être authentique » (notre Soi).
La plupart des personnes ayant vécu un burn-out le reconnaissent comme véritable événement initiatique car forcément transformateur de notre vie. A mon sens, seules les NDE (expériences de coma et de mort imminente) encore plus extrêmes, permettent aussi cela.
Le processus à traverser pour guérir d’un vrai burn-out est plus ou moins celui là (sauf cas complexes avec autres pathologies associées) :
- Le meilleur conseil que je puisse donner, c’est de renouer en profondeur avec son corps et de suivre sa guidance notamment vis à vis du respect des besoins essentiels.
- Se reposer, dormir, autant et aussi longtemps que nécessaire, avec les rythmes naturels. Évidemment, le sommeil naturel est incomparablement plus récupérateur et bénéfique que le sommeil sous somnifère.
- Accueillir et être à l’écoute des messages de ses émotions et de son corps.
- Apprendre à s’intérioriser : yoga, pranayama (exercices de respiration consciente), méditation ; cela sert aussi beaucoup dans la canalisation du stress.
- Les soins énergétiques et autres soins holistiques, l’acupuncture… peuvent aussi beaucoup aider au rétablissement.
- Voyager dans les divers états d’être que cette situation nous invite à traverser (perte d’envies extérieures, envie de se mettre dans un cocon et de disparaître au monde, plongée dans les abysses, passage en enfer, traversée du désert ou autres). Notre corps est notre meilleur guide : en étant simplement présent dans l’accueil à ce qui survient en nous, avec l’aide de notre respiration consciente, rien de grave ne peut nous arriver. Déjà cela suffit à beaucoup de libération émotionnelle. En rejoignant petit à petit au cœur de notre corporalité ce que j’appelle notre point 0, nous trouvons le point de départ de tous nos nouveaux possibles dans l’instant. Pour moi, c’est la condition « sine qua non » pour se régénérer vraiment (suite à l’épuisement psychique, à la perte d’envie…), dans le respect total de soi.
- Se reconnecter à son être profond pour se remettre en phase avec ses aspirations profondes et revoir ses priorités et choix de vie.
- Se ressourcer (ressourcement Nature, émotionnel, inspiration, joie…)
- Apprendre à fonctionner différemment (notamment activer ses facultés « cerveau droit » et ne plus perdre la connexion avec son corps et son intuition). C’est souvent l’opportunité du développement de nouvelles facultés, de nouveaux dons et potentiels, d’un champ élargi de nouveaux possibles…
J’ai appris tout cela par l’expérimentation et aussi par certains témoignages, bien plus et surtout évidemment bien mieux que dans les livres ou sur Internet.
Je sais ce que cet accident de santé peut représenter en termes de traumatisme mais aussi de merveilleuse opportunité.
Je constate depuis 15 ans que le burn-out est très mal compris et très mal accompagné.
Je souhaite que cette compilation d’informations et de témoignages aide et apporte un éclairage nouveau sur cet accident de santé, de l’espoir et des pistes à tous ceux qui vivent un burn-out, à leurs proches, et à ceux qui peuvent accompagner ce genre de situation.
Écrit par Corinne TUAL pour Flamme de Vie © février 2014
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3 réponses à Burn-out : accident… et merveilleuse opportunité