Les besoins essentiels spécifiques des personnes en fin de vie
Une des préoccupations majeures de Flamme de Vie concerne les besoins essentiels de l’humain en toutes situations de vie.
Dans notre société qui nie tout ce qui dérange, et en particulier la fin de vie et la mort, j’ai constaté à quel point ces moments cruciaux de la vie se passent trop souvent dans l’incompréhension la plus totale :
- de ce qui se vit,
- des besoins essentiels de la personne à ce moment là,
- et du type d’accompagnement dont elle aurait besoin et envie
Tout cela engendre beaucoup d’angoisse et de souffrance morale, de part et d’autre, et rend le processus naturel de la mort incroyablement plus difficile.
Malgré tout le travail et les apports de pionnières comme Elisabeth Kubler-Ross et Marie de Hennezel, il y a encore beaucoup à faire pour faire connaître au grand public (puisque nous sommes tous concernés un jour ou l’autre), les besoins essentiels spécifiques des personnes en fin de vie. Voici les principaux besoins essentiels qu’il me semble important de décrire.
Besoin existentiel d’être et de rester sujet, de s’exprimer et d’être entendu
Jusqu’à la mort, l’humain doit être considéré comme une personne à part entière, à qui l’on doit tout le respect afin qu’il n’ait pas la souffrance supplémentaire de se sentir « corps-objet ». Et d’autant plus au fur et à mesure de sa progression vers la dépendance et la vulnérabilité, il est indispensable de veiller à sa considération, au respect de sa dignité… et de lui assurer un environnement où il se sente en sécurité.
La mort est un processus naturel qui fait partie intégrante de la Vie. A travers la sagesse de son corps (sauf à être complètement déconnectée dans le mental), la personne sait lorsque le processus de mort approche ou s’engage. A ce moment là, elle a généralement besoin de l’exprimer et le déni des familles est le pire qu’on puisse lui infliger, source de confusion très grave, de souffrances et d’aggravation des douleurs. Comme dit Marie de Hennezel : « Les familles s’imaginent toujours que le malade ne va pas supporter la vérité. Elles ne se rendent pas compte qu’il la sait déjà et qu’il la porte seul ».
Besoin d’intimité, d’authenticité, de bienveillance et de paix
Pour la personne qui se sait en fin de vie, l’horizon soudain se referme… quelquefois à sa chambre d’hôpital et parce qu’elle sent que le temps est désormais compté. C’est le moment où elle souhaite aller à l’essentiel, où de plus en plus elle va vivre l’instant présent avec intensité… Elle a envie et besoin d’authenticité : parler vrai, communiquer vrai, notamment avec ses proches. Elle a besoin de se dire dans différents registres et dans les fluctuations de son cheminement intérieur : dire ses peurs, ses colères, ses doutes, ses regrets, parler de certains épisodes de sa vie, dire à ses proches des choses qu’elle n’a jamais dites auparavant…
Le prendre soin revêt une importante primordiale en fin de vie. La personne a besoin de présence humaine de qualité et de confiance, capable de bienveillance, de douceur, de sérénité, d’authenticité. Pour toutes les personnes et d’autant plus lorsque la communication non verbale est la seule qui reste possible, le toucher et la tendresse prennent une importance majeure : tenir la main, caresser, masser, prendre dans les bras, bercer, cajoler… C’est le meilleur moyen de lui exprimer notre amour et notre gratitude. Tous les mots et témoignages d’amour qui élèvent et libèrent sont bienvenus. Quelle que soit la détérioration du corps, cela aide la personne à percevoir son unité.
Besoin de faire sa revue de vie pour se réconcilier, se mettre en paix
La principale aspiration d’une personne en fin de vie est de partir en paix et de profiter des moments qu’il lui reste à vivre (la vie apparaît soudain des plus précieuses). D’où un grand besoin d’intériorité, d’intimité profonde à soi et de vérité pour se réconcilier pleinement avec elle-même, avec les autres, donner un sens plus profond à sa vie, à sa souffrance, à sa mort. Etre confronté à la mort oblige à une réflexion profonde sur le sens de la vie, sur l’ouverture au mystère et à la transcendance de la Vie. La personne cherche à se rapprocher de son Etre, de sa vérité la plus profonde. Elle ressent souvent le besoin d’aller jusqu’au bout d’elle-même, de naître pleinement à soi avant de disparaître.
La revue de vie permet d’aller revisiter les grands moments et les joies de notre vie mais surtout tout ce qui demeure irrésolu en nous et qui nous empêcherait de partir en paix :
- Mes regrets : ce que je n’ai pas accompli et qui me tenait à cœur, ce que je n’ai pas achevé ou dont je ne suis pas satisfait…
- Les colères et les non-dits qui demeurent en moi
- Mes peurs, notamment la peur de la mort (avec peut être le besoin d’en parler)
- Mes attachements
- Les réconciliations et pardons : envers soi, envers d’autres
- Ce que j’aimerais encore faire et dire (mes proches ou autres)
La paix à laquelle la personne en fin de vie aspire provient principalement du sentiment d’accomplissement ; quelqu’un qui est satisfait de ce qu’il a accompli dans sa vie et du sens donné, est pour l’essentiel rapidement prêt à partir en paix.
Besoins spirituels, cheminement intérieur et processus de mort
La spiritualité concerne la relation de chacun aux valeurs qui le transcendent (quel que soit le nom qu’il lui donne) et peut tout à fait être indépendante d’une expérience religieuse. Ce qui définit le sacré, c’est la conscience d’une transcendance.
Si la personne avait déjà une pratique spirituelle, ses besoins spirituels seront vraisemblablement plus importants, plus présents, et doivent bien sûr être honorés et respectés. Elle peut demander à avoir dans sa chambre de la musique sacrée, des bougies, des images sacrées, la présence d’une ou plusieurs personnes spirituelles…
Il est possible que les besoins spirituels émergent seulement avec la peur de la mort. Quelle que soit la situation, ils doivent être respectés… autant que les dernières volontés : c’est sacré !
Le mourant doit faire tout un cheminement intérieur fait de hauts et de bas, d’avancements et de reculs, d’abord combat intérieur entre déni, doutes, peurs, colères, attachements, désespoir, vulnérabilité… combat entre le Moi qui s’accroche à cette vie et a peur de l’inconnu et le Soi qui aspire à se libérer. Puis peu à peu vient le détachement, la Réconciliation, la pacification, l’acceptation et le lâcher-prise.
Le processus de mort et du Passage sera plus ou moins facilité selon l’attitude intérieure du mourant et la qualité énergétique en-lui et autour de lui.
Les composantes sacrées que la personne en fin de vie réclame peuvent grandement l’aider à trouver la paix intérieure, situation la plus favorable et hautement recommandée pour aborder le processus de mort. D’ailleurs, le mieux que puisse faire l’entourage, c’est d’accorder au mourant un environnement de sécurité et de sérénité, besoin primordial à ce moment-là (Par exemple, éviter la mort en grand stress dans l’ambulance suite à la panique des proches lors d’une agonie à domicile, situation qui arrive malheureusement très souvent par méconnaissance du processus).
La mort est un processus naturel qui dure plusieurs jours. Après l’agonie et le dernier souffle, la mort clinique est déclarée. Mais le processus de mort jusqu’au « Passage » se poursuit pendant environ 3 jours, le temps que la Conscience se retire de chacune des cellules du corps. Le processus peut être plus ou moins long, principalement en raison d’attachements et de questions non résolues, surtout de pardon. Pendant ces 3 jours, les perceptions sensorielles demeurent dans le corps et sont même amplifiées et tant que la Conscience s’y trouve. Le corps doit donc être traité avec le plus grand respect-amour et être le moins dérangé possible pour faciliter au mieux le « Passage », et aider/encourager la personne dans ce processus. Tous supports énergétiques de soutien et d’amour sont bien sûr bienvenus : touchers ou paroles d’amour par exemple.
Mais surtout rien visant à retenir la personne et pas de violence (thanatopraxie, incinération ou inhumation) pendant les 3 jours du Passage.
L’accompagnement idéal pour une personne en fin de vie
Accompagner veut dire être aux côtés d’une personne qui a quelque chose de particulier à vivre, en l’occurrence qui traverse le processus de fin de vie, d’agonie, puis de mort.
L’accompagnement idéal pour une personne en fin de vie est bien sûr fait de sécurité et sérénité, d’amour (bienveillance, douceur, écoute disponible, empathie) et d’authenticité.
Mais ce tableau idéal est malheureusement trop peu répandu, en raison de plusieurs facteurs :
- Le déni de la mort dans notre société et la peur de la mort font que les familles y font face seulement lorsqu’un proche se trouve en fin de vie, et qu’elles n’ont pas le choix.
- Leur implication émotionnelle et états d’âme rendent les choses complexes
- parce-qu’elles n’ont, sauf exception, aucune préparation à ce rôle : méconnaissance de la Vie, du processus d’agonie, de mort et du Passage, aucune clarification de leurs représentations et peurs vis-à-vis de la souffrance, de la dégradation humaine et de la dépendance, de la fin de vie, de la mort… Et pourtant toutes ces représentations et peurs non clarifiées font sans cesse résonance en elles, influençant très directement leurs comportements et leur communication non verbale.
Les 2 plus grandes peurs d’un mourant sont la douleur physique et la solitude/abandon.
Lorsque les soins curatifs ne sont plus appropriés (pas d’acharnement thérapeutique), les soins palliatifs prennent le relais. Dans les unités de soins palliatifs, le prendre soin consiste à soulager la douleur et à assurer la meilleure qualité de vie possible au patient jusqu’à la fin : veiller à son confort et bien-être, l’entourer d’une présence sereine, bienveillante, réconfortante. Ces conditions facilitent la paix intérieure du mourant et son lâcher-prise.
Important à signaler :
- Les perceptions spacio-temporelles des mourants se modifient : ils ressentent l’angoisse et les états d’âme de ceux qui les approchent. Certains (notamment ceux qui sont dans le coma) lisent dans les pensées ou voient ce qui est invisible à nos yeux.
- Souvent, le mourant attend de ses proches l’autorisation de partir… qu’on lui redonne sa liberté pour partir. Pensez à cet ultime acte d’amour !
Le rôle spécifique des bénévoles d’accompagnement en soins palliatifs
J’ai été bénévole d’accompagnement en soins palliatifs pendant environ 2 ans et je tiens à faire connaître leur rôle spécifique car j’ai constaté qu’il est trop peu connu et méconnu des familles, des patients, des équipes soignantes et du grand public.
En France, il existe 2 principales fédérations régissant les bénévoles d’accompagnement en fin de vie ou soins palliatifs : ASP et JALMALV.
Le parcours de recrutement, de formation et de suivi des bénévoles est des plus sérieux : recrutement en plusieurs entretiens, formations théoriques et pratiques, débuts en binôme avec supervision, groupes de parole mensuels avec un psychologue, participation à des congrès…
Les établissements de santé ou maisons de retraite signent une convention avec une des associations ; les bénévoles interviennent aussi en HAD (hospitalisation à domicile).
L’intervention d’un bénévole d’accompagnement se fait suite à une prescription médicale, à la demande du patient ou de sa famille ou sur proposition acceptée.
Le rôle spécifique d’un bénévole d’accompagnement, bien préparé et bien suivi pour cela, est avant tout d’apporter une présence bienveillante et totalement disponible au patient, de la considération et autant que faire se peut de l’apaisement. Proposer une écoute si le patient veut s’exprimer et notamment exprimer ce qu’il ne peut ou ne veut pas dire à ses proches : ses peurs, ses regrets, parler de ce qu’il est en train de vivre, de ce qu’il ressent. Sans implication émotionnelle, nous sommes aussi neutres que possible. Le but est d’aider la personne qui veut exprimer quelque chose à se dire par une écoute active, avec quelquefois un peu de reformulation pour faciliter l’expression. Et pour les personnes qui ne peuvent plus s’exprimer ou ne le veulent pas, c’est seulement une présence disponible bienveillante dans l’empathie, de la communication non verbale et quelquefois les aider à s’apaiser, leur tenir la main (les personnes en fin de vie réclament beaucoup de toucher).
Le rôle du bénévole d’accompagnement s’exerce aussi auprès de la famille du patient : écoute, réconfort, soutien…
Quelquefois, le bénévole est consulté par l’équipe soignante, notamment pour essayer de mieux comprendre ce qui vit un patient.
J’ai pris cet engagement bénévole parce que je considère toute vie comme sacrée, que j’ai conscience des conséquences désastreuses du déni de la mort et de l’exclusion des personnes concernées, et parce-que j’ai compris que les moments de fin de vie sont d’une rare authenticité. Je remercie grandement l’expérience globale et les personnes que j’ai eu l’occasion d’accompagner car c’est auprès des mourants que j’ai appris à exercer la totale disponibilité à l’autre, en toute bienveillance et empathie, et la richesse des échanges qu’il est possible d’avoir en seule communication non verbale.
Ces visites à l’hôpital m’ont souvent donné une nouvelle motivation à apprécier ma vie et à agir tant que je peux le faire. Ces mots me revenaient alors à l’esprit : « Carpe diem », ce qui veut dire « Profite du jour présent », « Profite de ta vie ».
J’invite toutes les personnes qui le voudront bien à relayer cet article car ce genre d’information trop rare a vraiment besoin d’être diffusé largement, pour mieux pouvoir accompagner ces moments de vie.
Écrit par Corinne TUAL pour Flamme de Vie © Novembre 2014
Flamme de Vie, vers le meilleur de soi… et tous les possibles
Flamme de Vie a spécifiquement conçu le stage Prendre soin et relation d’aide comme préparation des aidants familiaux, soignants et toute personne désireuse de s’impliquer dans une relation d’aide.
Et le stage Réconciliation – Libération intérieure pour les besoins de réconciliation et de pardon.
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